Mark Karpelès s’est fait connaître en tant que PDG de Mt. Gox : une plateforme d’échange de Bitcoin dont la chute est devenue légendaire. Ayant toujours maintenu qu’il avait agi de bonne foi, il a continué de s’intéresser au secteur des cryptomonnaies et à lancer plusieurs projets. Zoom sur la vie rocambolesque d’un « geek » français qui s’est pris de passion pour le BTC.
Mark Karpelès, un Dijonnais passionné d’informatique
Né le 1er juin 1985 à Chenôve, près de Dijon, Mark Karpelès baigne très vite dans l’informatique. Il a accès aux tout premiers ordinateurs grand public dès 3 ans, grâce à sa mère, une géologue. Cette dernière est elle-même passionnée et gère des serveurs en ligne. Elle initie très tôt son fils à la programmation et ce dernier y trouve une véritable passion.
Entré au collège de Binson, à Châtillon-sur-Marne, Mark Karpelès finira cependant ses études à Paris. Malgré son intérêt marqué pour l’informatique, il a choisi un parcours littéraire au lycée. Il obtient son bac en 2003 mais il se détourne d’éventuelles études pour commencer à travailler dans l’informatique. Il entre en contact avec Stéphane Portha, qui a fondé deux sociétés d’informatique : Linux Cyberjoueurs et Eurocenter.
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Début à la tête d’un projet et première controverse
En parallèle de son travail auprès de Stéphane Portha, Mark Karpelès met en place ses propres projets, à l’instar d’un hébergeur de sites Internet dénommé FF.ST. Mais suite à une déconvenue financière en 2005, l’entrepreneur revend le projet à son employeur. L’accord prévoyait qu’il continue à gérer ce projet malgré le changement de propriétaire. Mais très vite, son employeur reprend la main, ce qui crée des tensions.
Suite à ce désaccord, Mark Karpelès démissionne de l’entreprise. Sur son blog « MagicalTux » en 2006, il indique que les relations avec son patron se sont complètement détériorées :
« La situation se détériore encore plus, et j’ai même le droit à des promesses du genre “je ferais tout pour que vous ne trouviez jamais de nouveau travail dans l’informatique”. Je n’ai d’ailleurs toujours pas à ce jour perçu mon dernier salaire dans cette société. »
Mark Karpelès dans un documentaire « Suck My Geek » de 2007
Mark Karpelès n’a cependant pas souhaité laisser partir son projet. Quelques jours après son départ, il se connecte aux serveurs de l’entreprise pour récupérer les données de FF.ST. Il met ensuite en place une redirection automatique vers un site sur lequel il a le contrôle.
Ce hold-up coûtera cher à Mark Karpelès. En 2010, il est condamné à un an de prison et une amende de 45 000 euros pour avoir détourné les clients de son ex-employeur.
Les divers projets du serial-entrepreneur Mark Karpelès
Jusqu’à la fin des années 2000, Mark Karpelès continue à se former et rejoindre des entreprises. Dans ses emplois salariés, on le trouve chez Fotoyista (devenue ensuite Pixania) puis Téléchargement.fr (devenue ensuite Nexway).
Mais ce qui intéresse réellement Mark Karpelès, c’est de porter ses propres projets. Il se mue en « serial entrepreneur » et lance plusieurs entreprises, qui sont souvent avortées ou qui ne connaissent pas le succès. Il crée brièvement une société en Israël, mais doit revenir en France de manière précipitée suite aux tensions dans la bande de Gaza.
En 2009, il crée « Tibanne », une société d’hébergement et de développement Web. Tibanne est l’entreprise la plus pérenne de Mark Karpelès à ce stade, et c’est par cette dernière qu’il découvre la cryptomonnaie.
Le dénommé Tibanne, ayant donné son nom à l’une des sociétés de Mark Karpelès
En 2011, un de ses clients lui propose en effet de régler un service en Bitcoin (BTC). Intrigué, il décide d’en apprendre plus sur cette cryptomonnaie. C’est cet événement qui déclenche sa passion pour le domaine.
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Le scandale Mt. Gox : une des plus grandes plateformes d’échange de l’époque
À l’époque, Mt. Gox est une grande plateforme d’échange de Bitcoin, dans un secteur qui n’en est qu’à ses balbutiements. Convaincu du potentiel de l’entreprise, Mark Karpelès s’y intéresse et entre en contact avec son créateur, Jed McCaleb. Ce dernier est une personnalité connue de l’écosystème crypto : il cofondera plus tard Ripple (XRP), puis Stellar (XLM).
À ses prémices, Mt. Gox n’est cependant qu’une plateforme d’échange de cartes Magic. Voyant que l’intérêt pour le Bitcoin ne cesse de croître, Jed McCaleb la fait pivoter vers une plateforme d’échange de BTC, mais il est vite dépassé par l’ampleur de la tâche. Par ailleurs, les systèmes internes de la plateforme n’ont pas été créés pour soutenir une entreprise de finance.
C’est là qu’arrive Mark Karpelès. Il rachète Mt. Gox, alors que l’entreprise a déjà un bilan très plombé. La plateforme d’échange a en effet connu un piratage d’ampleur en 2011 : des hackers ont réussi à mettre la main sur un total de 80 000 BTC, en plusieurs fois. Bien que le cours du BTC soit encore relativement bas à cette époque, cela correspond à une somme énorme : 470 millions de dollars à l’époque.
Mais cela n’impressionne pas Mark Karpelès, qui devient actionnaire (très) majoritaire de Mt. Gox. En 2011, Jed McCaleb lui cède la très grande majorité des parts de l’entreprise : 88 %. L’accord est cependant hautement inhabituel : la plateforme lui est cédée gratuitement, à condition qu’il partage avec McCaleb les revenus de l’entreprise pour les 6 prochains mois. Autre condition : Mark Karpelès n’avait pas le droit de tenir Jed McCaleb légalement responsable si des problèmes survenaient.
Mais l’entrepreneur a quand même envie de se lancer, et il reçoit la patate chaude. À ce stade, il a une certaine aisance financière. On lui doit notamment la création de la Fondation Bitcoin aux côtés d’un autre grand nom des cryptomonnaies : Roger Ver. Il alimente alors la fondation à hauteur de 5 000 BTC.
Mark Karpelès après sa reprise de Mt. Gox
Le naufrage de Mt. Gox et sa mise hors-ligne
Malheureusement, Mt. Gox s’avère être une catastrophe pour son nouvel acquéreur. Dès sa reprise par Mark Karpelès, le site se fait pirater. Les malfaiteurs réussissent à changer le prix du BTC affiché sur le site. Ils peuvent ainsi dérober 2 000 bitcoins… Au prix de 1 centime de dollars l’unité. Le préjudice est estimé à 30 000 dollars à l’époque.
Mais il existe encore peu de plateformes d’échange de Bitcoin sur le marché, alors Mt. Gox devient quand même l’exchange principal du moment. En 2013, 80 % des transactions en BTC s’effectuent via sa plateforme. Initialement, le pari de Mark Karpelès semble gagnant : le nombre d’utilisateurs de Mt. Gox explose et passe de 3 000 en 2011 à 1 million en 2013.
En parallèle, Mark Karpelès semble cependant enchaîner les bourdes. En 2012, il a signé un accord avec la société CoinLabs, afin de mieux servir les clients américains. Cependant, le responsable de Mt. Gox « oublie » de transférer les comptes clients des États-Unis chez CoinLabs. Cette dernière intentera donc un procès à 75 millions de dollars à la plateforme d’échange.
Par ailleurs, Mark Karpelès a omis d’enregistrer Mt. Gox en tant qu’organisme gestionnaire de fonds aux États-Unis. Les autorités locales, déjà vigilantes à l’époque, corrigent les choses. Le Department of Homeland Security (DHS) saisit en 2013 l’équivalent de 5 millions de dollars de fonds à l’entreprise.
Ces difficultés successives ont un effet net sur la dominance de Mt. Gox sur le marché de l’échange de BTC : en quelques mois, la plateforme perd près d’un tiers de parts de marché. Par ailleurs, les signes de naufrage s’accumulent : en juin 2013, l’entreprise cesse les retraits en dollars. Elle signale qu’elle fait face à des « pertes importantes » en août et ne parvient jamais réellement à rouvrir les retraits en dollars.
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Tout s’accélère en quelques jours
Selon Wired Magazine, la société a à cette époque été écartée du système bancaire des États-Unis, à cause de trop nombreux problèmes légaux. Et les difficultés continuent : le 7 février 2014, ce sont les retraits en BTC qui sont suspendus de Mt. Gox : un nouveau hack a en effet eu lieu, qui permet aux attaquants de modifier les détails des transactions. Au total, ce sont 850 000 BTC qui ont été dérobés en plusieurs fois.
Quelques jours plus tard, le 17 février, Mark Karpelès se montre évasif dans une interview au Wall Street Journal et refuse de répondre sur la situation financière de l’entreprise ou sur la date à laquelle les retraits reprendront. Le 23 février, il démissionne de son poste de la Fondation Bitcoin. Ce même jour, tous les tweets de Mt. Gox sont supprimés.
C’est le lendemain, le 24 février 2014, que les échanges de BTC sont suspendus sur Mt. Gox. Quelques heures plus tard, le site entier est mis hors-ligne. Des rumeurs d’insolvabilité courent et la plateforme d’échange se déclare officiellement en faillite au début du mois de mars.
Étant donné sa place prédominante dans l’industrie, la chute de Mt. Gox a des conséquences très nettes sur le cours du BTC. En 2 mois, le cours du Bitcoin aura perdu 26 %. Par ailleurs, Reuters estime à l’époque que le nombre de BTC piratés correspond à 6 % de tous les Bitcoins qui ont été minés à ce stade.
Arrestation de Mark Karpelès et sortie de prison
Dès avril 2014, le Département du Trésor des États-Unis assigne à comparaître Mark Karpelès. Mais ce dernier refuse de se présenter. Une procédure est également lancée en France à la fin de l’année, par le tribunal de grande instance de Pontoise. On reproche au PDG de Mt. Gox des faits d’escroquerie et d’abus de confiance.
À l’époque, Mark Karpelès vit depuis plusieurs années au Japon, un pays qu’il affectionne particulièrement. C’est donc sur place qu’il finira par être arrêté, en août 2015. Les procureurs notent son train de vie, qui a fortement progressé ces dernières années.
Au total, l’accusation reproche à Mark Karpelès un détournement de 2,7 millions d’euros. Elle pointe du doigt de nombreux achats, ainsi que le loyer de son appartement qu’il loue pour plus de 11 000 euros par mois.
En détention provisoire, il sera relâché au bout d’un an, contre caution. Il sort de prison en juillet 2016 et est forcé de rester sur le sol japonais. Son procès s’ouvrira en juillet 2017 : il plaide non coupable des faits qui lui sont reprochés. En attendant, il fait une déclaration prudente sur Reddit, avec un mea culpa :
« Je ne veux pas devenir riche instantanément. Je ne demande pas le pardon. Je veux juste que ceci s’achève le plus vite possible et que chacun reçoive sa part de ce qu’il détenait sur Mt. Gox. »
Ce n’est qu’en mars 2019 que Mark Karpelès connaîtra son sort, plus de 5 ans après les faits reprochés. La cour du district de Tokyo le juge non coupable de tous les faits liés à la perte de BTC par Mt. Gox et de détournement de fonds. Il est cependant jugé coupable de manipulation des données en ce qui concerne les réserves financières de Mt. Gox. Pour cela, il reçoit une peine de 2,5 années de prison avec sursis.
Mark Karpelès en 2016 après avoir été libéré
L’après-naufrage : de nouveaux projets pour Mark Karpelès
Dès 2018, avant sa condamnation, Mark Karpelès avait rejoint une nouvelle entreprise en tant que directeur technique : London Trust Media. Il s’agit de la société qui porte les projets Freenode et Private Internet Access. En parallèle, il va continuer d’autres projets d’entrepreneuriat, dont Ungox.
Avec Ungox, Mark Karpelès souhaite proposer un service d’évaluation des risques pour les produits et plateformes d’échange liés aux cryptomonnaies. Le nom est un clin d’œil à Mt. Gox. Le but de Mark Karpelès est de faire de Ungox une organisation non commerciale.
Plus récemment en 2023, Mark Karpelès a été nommé ministre de la Technologie de Joseon. Joseon est un État-nation numérique : l’ex-responsable de Mt. Gox y supervise le développement en ce qui concerne les technologies et innovations. Dans ce cadre, il fait encore la promotion de la blockchain.
En 2024, Mark Karpelès fait cependant son grand retour dans le secteur de la blockchain. Il lance EllipX, une nouvelle plateforme d’échange et un portefeuille de cryptomonnaies. Il occupe à ce jour le poste de directeur technique de l’entreprise, qui est basée en Pologne.
I’m thrilled to announce.. @EllipXCrypto
With the goal of making crypto more accessible and safer, the first step comes with the EllipX Wallet, a MPC wallet that splits private keys in 3 parts between yourself, your device and EllipX.— Mark Karpelès (@MagicalTux) August 23, 2024
Avec ce projet, Mark Karpelès souhaite prendre le contre-pied de Mt. Gox. EllipX se conformera aux exigences des régulateurs, en particulier les régulateurs européens. L’ex-PDG de Mt. Gox affirme vouloir « reconstruire » la confiance dans l’écosystème crypto. Pour cela, l’entreprise s’inspire de modèles boursiers en séparant nettement les opérations et réserves de liquidité qu’elle utilise. La plateforme est également censée être plus sécurisée, avec des portefeuilles froids multisig qui permettent davantage de protection des fonds des utilisateurs.
Mt. Gox : suite et fin
Il aura fallu de nombreuses années pour que l’affaire Mt. Gox arrive à son terme. Le remboursement des clients lésés n’a en effet commencé qu’à l’été 2024, 10 ans après les faits. Au total, ce sont 9 milliards de dollars en BTC et en Bitcoin Cash (BCH) qui retournent dans les poches des investisseurs. Le remboursement marque le début de la fin de l’affaire, selon Mark Karpelès, qui s’exprime dans un entretien exclusif pour Cryptoast :
« L’affaire Mt. Gox reste encore assez complexe, mais avec la distribution qui a lieu, je pense qu’on est enfin à un point où on n’a plus l’urgence qui existait avant. »
Mark Karpelès a toujours maintenu que l’équipe originelle a joué un grand rôle dans la chute de Mt. Gox, notamment avec l’utilisation d’un bot de trading, le « Willy Bot ». Ce dernier aurait permis de gonfler artificiellement le cours du Bitcoin :
« C’est un bot qui existait déjà dans la plateforme qui était à la base utilisé par Jed [McCaleb] pour faire un rassemblement de trades, sauf que quand j’ai récupéré Mt. Gox je l’avais stoppé. »
Par ailleurs, Mark Karpelès affirme désormais qu’il aurait pu plaider coupable au Japon, et ainsi n’écoper que de 2 à 3 mois de prison. Mais il a souhaité se défendre, ce qui a conduit à la peine à laquelle il a fait face. À ce jour, il estime avoir été la victime d’un système mis en place par les équipes originales de Mt. Gox, dont Jed McCaleb :
« Je regrette un petit peu de ne pas avoir eu l’expérience que j’ai aujourd’hui et d’avoir bien demandé à ce que Mt. Gox soit tel qu’il était défini dans le contrat. »
Mark Karpelès en 2020
Mark Karpelès, le Français qui a fait dégringoler le Bitcoin
Simple « geek » de la campagne française qui a fait de mauvais choix ou mastermind qui a sciemment détourné des fonds ?
Les avis de la communauté crypto sur Mark Karpelès divergent et l’intéressé entretient lui-même un certain flou.
Ayant lancé une nouvelle plateforme d’échange qu’il souhaite fiable et sécurisée, l’ex-PDG de Mt. Gox a en tout cas plusieurs fois fait part de ses regrets concernant une affaire devenue légendaire dans l’écosystème crypto.
À ce jour, Mark Karpelès maintient qu’il était sincère et qu’il a tenté d’agir au mieux :
« J’ai découvert que la façon dont les gens me voyaient n’était pas du tout ce que j’imaginais. »
Toujours est-il que son héritage reste pour l’instant lié à une chute catastrophique du cours du Bitcoin.
À l’inverse d’un Sam Bankman-Fried de FTX, Mark Karpelès a été exonéré et peut désormais se consacrer à de nouveaux projets. Jusqu’à éclipser sa sulfureuse réputation ? Cela restera à voir.
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