Les airdrops de cryptomonnaies sont-ils imposables en France ? Quelles précautions prendre pour anticiper un contrôle de l’administration ? Découvrez comment la France se positionne au sujet de la fiscalité des airdrops crypto.
L’airdrop : une pratique de plus en plus répandue
Depuis la première distribution de bitcoins en 2009 à un petit groupe de développeurs visionnaires par Satoshi Nakamoto, la pratique des airdrops de cryptomonnaies s’est sophistiquée et industrialisée.
Vieille comme le marketing, cette pratique commerciale consiste, pour une blockchain ou une application décentralisée, à distribuer gratuitement des tokens à un certain nombre d’utilisateurs. Si les airdrops ne permettent pas un apport de fonds au projet, ils offrent un outil d’acquisition d’utilisateurs simple, rapide et non régulé afin de générer les effets de réseaux tant recherchés pour rendre blockchains et applications attractives.
💡 Qu’est-ce qu’un airdrop de cryptomonnaies et comment y être éligible ?
L’intensification de la compétition entre les blockchains et de la concurrence pour attirer de la liquidité a conduit à rendre incontournable l’outil que constitue l’airdrop, si bien que la « chasse » de ces tokens gratuits est devenue, à l’aide d’une littérature pléthorique sur le sujet, l’une des voie privilégiée par certains investisseurs pour arriver sur la Lune.
Les gains cumulés peuvent en effet parfois atteindre des montants astronomiques et, en la matière, la fiscalité ne connaît pas de trou noir. Au risque de paraître trop terre à terre, le présent article vise à éclairer les bénéficiaires sur les considérations fiscales à prendre en compte pour éviter les mauvaises surprises.
ORWL_ est un cabinet d’avocats dédié à l’accompagnement de projets et d’investisseurs dans l’industrie des actifs numériques. Depuis 2018, nous assistons entreprises et particuliers dans la sécurisation et l’optimisation de leur situation fiscale dans un contexte crypto présentant de nombreuses questions et opportunités. Cette position a été rédigée par Alexandre Lourimi, cofondateur du cabinet et Clément Herr, avocat au sein de son département fiscal.
Contrairement à une idée répandue, la fiscalité en matière de cryptos n’intervient pas qu’au moment de la vente en monnaie légale comme l’euro. Un amendement visant à clarifier – et non modifier – la fiscalité du staking l’a rappelé récemment.
Nous nous interrogerons donc sur le traitement fiscal des cryptos reçues dans le cadre d’un airdrop au moment de leur réception, puis au moment de leur cession.
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Des airdrops non imposables à réception ?
L’impôt des personnes physiques repose, en France, sur 2 grands principes : l’annualité de l’impôt et la disponibilité du revenu. Autrement dit, « l’impôt est dû chaque année à raison des […] revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année » (CGI, art. 12).
Par revenu, il convient d’entendre toute somme, bien ou valeur. L’actif utilisé pour régler le revenu n’a pas d’incidence sur le régime fiscal (qu’il s’agisse d’euros ou de cryptos), seule la qualification du flux importe. C’est pourquoi il convient de s’interroger sur le régime fiscal des gains reçus dans le cadre de airdrops dès l’année de leur réception.
De manière générale, un revenu est considéré comme imposable lorsqu’il entre dans l’une des catégories définies (salaires, revenus de capitaux mobiliers, plus-value, etc.) ou, à défaut, lorsqu’il entre dans la catégorie d’imposition balai prévu à l’article 92 du code général des impôts. Évidemment, aucune catégorie ne s’applique spécifiquement aux airdrops et il convient donc de déterminer si les gains qui en sont tirés présentent les caractéristiques prévues par la catégorie balai.
Des rémunérations des hommes d’église aux diseuses de bonne aventure, cette catégorie englobe une grande diversité de revenus, parfois accidentels ou occasionnels, dès lors qu’ils sont tirés d’une « occupation lucrative » ou d’une « source de profit », ce qui implique :
- d’une part, que le contribuable ait une certaine maîtrise sur la génération de ces revenus ;
- et d’autre part, que les revenus soient susceptibles de renouvellement, même s’ils ne se renouvellent pas effectivement.
C’est ce qui explique que les gains procurés par les jeux de hasard ne constituent en principe pas des revenus imposables, l’activité déployée par le joueur restant sans incidence sur le sort. Ce n’est que lorsque les compétences et les connaissances du joueur permettent de supprimer ou d’atténuer fortement l’aléa inhérent aux jeux que les gains sont susceptibles de générer une imposition.
C’est le cas par exemple au poker ou au bridge, mais pas aux paris sportifs ou hippiques où les connaissances du joueur n’ont pas d’influence directe sur l’issue du jeu. Dans ces derniers cas, les connaissances du joueur lui permettent d’augmenter ses chances de choisir le bon cheval, mais n’augmente pas les chances du cheval d’arriver en tête.
Dans la grande majorité des cas, les cryptos obtenues dans le cadre d’un airdrop ne nous semblent pas présenter les caractéristiques d’un revenu imposable.
En effet, le bénéficiaire n’a aucune prise sur la réalisation de ce gain, le versement ne rémunère aucun service – tout au plus récompense-t-il l’utilisation de protocoles – et il présente en principe un caractère occasionnel.
Il pourrait en aller différemment dans deux cas spécifiques :
- soit, lorsque l’airdrop est accordé en contrepartie de la réalisation de certaines actions connues à l’avance (auquel cas l’opération perd de son intérêt) ; dans ce cas, le versement pourrait être considéré comme la rémunération d’un service ;
- soit, lorsque le contribuable développe une réelle activité de « chasse » d’airdrops en déployant des efforts significatifs en termes de temps et de moyens pour maximiser ses chances d’obtenir un gain ; cette hypothèse est à nuancer dans la mesure où, si l’investisseur peut, comme le turfiste, tenter d’anticiper la réalisation de potentiels airdrops et les critères d’éligibilité, ses actions n’influent aucunement sur la réalisation effective du gain.
En cas d’imposition, la valeur en euros des cryptos à réception de l’airdrop devrait relever, au titre de l’année de réception, de la catégorie des bénéfices non commerciaux prévoyant, soit dans la majorité des cas, l’imposition de 66 % du gain au barème progressif de l’impôt sur le revenu (taux de 0 % à 45 % selon la tranche applicable) et aux prélèvements sociaux au taux de 17,2 %. En dessous de 305 € par an, les gains ne sont pas imposables.
Sous ces réserves, la valeur en euros à la date de réception des tokens reçus devrait ainsi à notre sens faire partie des rares gains exempts de toute imposition. Mais à hauteur de cette valeur seulement…
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La neutralisation des airdrops à la cession
Les cryptos reçues dans le cadre d’un airdrop intègrent le portefeuille d’actif numérique au sens fiscal. Pour rappel, le régime applicable en France aux cessions d’actifs numériques depuis 2019 décale l’imposition au moment de la cession en monnaie légale (ou contre un bien ou un service) et impose de calculer la plus ou moins-value, non pas par référence au prix d’acquisition de la crypto cédée, mais par référence à la plus-value globale du portefeuille. Autrement dit, la cession de 10 % de son portefeuille d’actifs numériques (tous actifs et tous supports confondus) génère l’imposition de 10 % de la plus-value latente du portefeuille au taux forfaitaire de 30 % (avec possibilité d’option pour le barème).
Pour éviter que la valeur des cryptos reçues via un airdrop ne soit finalement imposée dans le cadre d’une cession en monnaie légale, il convient donc d’intégrer cette valeur dans le prix total d’acquisition de son portefeuille.
Le prix total d’acquisition du portefeuille d’actifs numériques correspond à la somme des prix effectivement acquittés en monnaie ayant cours légal à l’occasion de l’ensemble des acquisitions d’actifs numériques. En cas d’acquisition à titre gratuit, le prix d’acquisition à retenir s’entend de la valeur réelle des actifs numériques déterminée au moment de leur entrée dans le patrimoine du cédant.
Dans le cadre d’un airdrop, que les crypto-monnaies soient acquises à titre gratuit (hypothèse d’une simple récompense) ou à titre onéreux (existence d’un revenu), elles devront être considérées comme acquises à leur valeur réelle à leur date de réception pour l’application du régime des plus-values sur actifs numériques.
Exemple
Le 1er août 2023, achat d’1 ETH pour 1 000 €. Le 1er septembre 2023 : réception d’1 ETH dans le cadre d’un airdrop d’une valeur, à réception, de 1 300 €. Le 1er janvier 2024 : réception d’1 ETH dans le cadre d’un autre airdrop d’une valeur, à réception, de 1 400 €. Le prix total d’acquisition s’élève à 3 700 €.
En cas de cession, cette prise en compte viendra mécaniquement réduire l’éventuelle plus-value latente du portefeuille. Cependant, la cession immédiate des cryptos reçues via un airdrop générera tout de même de l’impôt si une plus-value latente subsiste à l’échelle du portefeuille.
Suite de l’exemple
Le 1er janvier 2024, ventre en euros de 1 ETH pour 1 400 €. A cette date, le prix total d’acquisition s’élève à 3 700 € ; la valeur totale du portefeuille s’élève à 4.200 € et présente une plus-value latente de 500 €. La cession immédiate de l’ETH reçu génère donc une plus-value imposable de 167 €.
En principe, les gains des airdrops ne sont pas imposables. Toutefois, leur valeur à réception doit être répercutée pour la détermination d’une plus-value de cession ultérieure. Ainsi :
- au titre de la réception : aucune déclaration n’est nécessaire ; la valeur en euros à réception n’est à déclarer qu’au moment de la déclaration de cession suivante (il est conseillé de la noter quelque part en attendant).
Cette valorisation est fondée sur la valeur de marché des tokens à réception. Lorsque le token est déjà listé sur des agrégateurs des prix des cryptomonnaies (CoinGecko, CoinMarketCap), le plus simple est de se référer au cours indiqué par ces tiers. À défaut, si le token s’échange sur une plateforme centralisée ou décentralisée, le cours retenu par cette dernière peut être utilisé. Toutefois, lorsque aucune information objective sur le prix n’est publiquement accessible, le contribuable ne peut qu’attendre la première cotation pour valoriser son gain.
- au titre de la cession : une déclaration de cession d’actifs numériques (annexe 2086) est à déposer l’année suivante (en intégrant la valeur d’acquisition des cryptos reçus via un airdrop).
Dans le cas où les airdrops seraient considérés comme imposables, sans que cette activité ne présente pour autant un caractère professionnel, les modalités déclaratives seraient différentes :
- au titre de la réception : la valeur en euros des cryptos reçue devrait être portée, lors de la déclaration de revenus de l’année de réception, en case 5KU (ou 5JG selon le régime d’imposition) et 5HY de la déclaration 2042C-pro ;
- au titre de la cession : une déclaration de cession d’actifs numériques (annexe 2086) serait à déposer l’année suivante (en intégrant également la valeur d’acquisition des cryptos airdropées).
Reprise de l’exemple en cas d’imposition
Au titre de la réception, il conviendrait de déclarer, en bénéfices non commerciaux, 1 300 € au titre de l’année 2023 et 1 400 € au titre de l’année 2024. Ces montants seraient diminués d’un abattement de 34 % puis soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux au taux de 17,2 %.
Au titre de la cession, une plus-value de 167 € serait à déclarer au titre de l’année 2024. Cette plus-value serait imposable au taux forfaitaire de 30 %.
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Quelles précautions prendre pour anticiper un contrôle ?
Nous l’avons vu, la non-imposition des gains des airdrops se joue au moment de leur réception et au moment de leur cession.
Or, s’agissant de la cession, l’administration a le pouvoir de considérer que des cryptos ont été acquises pour une valeur égale à 0 lorsque le contribuable n’est pas en mesure de justifier de leur acquisition ; et les contrôles pourraient s’intensifier avec l’échange automatique d’informations.
💡 Comment se déroule un contrôle fiscal lié aux cryptomonnaies ?
Pour éviter qu’elle ne soit tentée de remettre en cause le prix d’acquisition du portefeuille d’actifs numériques déclaré, et qu’elle impose ainsi les cryptos tirées des airdrops, il convient de conserver les preuves de leur acquisition et, surtout :
- de leurs conditions d’acquisition (émetteur, critères d’éligibilité, adresses d’envoi et de réception) ;
- de leur date d’acquisition ;
- et des modalités de valorisations des cryptos reçues (cours de référence).
Ces justificatifs peuvent être de toute nature : copie ou captures d’écran des annonces des développeurs ou documents publiés et communiqués par la blockchain / l’application relatifs aux airdrops, preuves on chain (explorateur comme Etherscan), etc.
En conclusion, il convient de retenir que :
- la valeur à réception ne devrait pas être imposable dans la majorité des cas ;
- la cession en monnaie légale des récompense peut générer une plus-value d’actifs numériques imposable au taux de 30 % (comprenant, le cas échéant, l’augmentation de valeur des cryptos reçues via un airdrop) ;
- pour éviter que la valeur à réception ne soit imposable, il convient de l’intégrer dans le prix total d’acquisition de son portefeuille d’actifs numériques et de conserver des preuves de l’airdrop.
Aucune position officielle n’ayant été publiée sur ce sujet, l’interprétation des règles exposée dans cet article au sujet de l’imposition des airdrops de cryptomonnaies est à prendre avec précaution. Il est probable que l’administration fiscale fasse preuve d’une certaine tolérance lorsque les montants en jeu restent modestes. Pour les situations exceptionnelles, l’économie d’une revue globale des transactions et d’une analyse particulière de la nature des gains pourrait coûter cher.
ORWL_ se tient à votre disposition pour vous fournir tout complément d’information et, si nécessaire, vous accompagner dans la sécurisation et l’optimisation de votre situation fiscale.
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