Alors que MiCA entrera en vigueur dans quelques jours, l’écosystème crypto est-il prêt ? Pour tenter de déterminer leurs avancées, nous sommes allés à la rencontre de 4 dirigeants et cadres d’entreprises du Web3. À l’aube d’un changement réglementaire majeur, plongez au cœur de cet entretien exclusif.
Dernièrement, nous sommes revenus sur l’entrée en vigueur prochaine du règlement MiCA, en vous offrant un panorama des changements à venir au travers d’un entretien avec Faustine Fleuret, présidente de l’Adan, ainsi qu’avec William O’Rorke, associé et cofondateur du cabinet d’avocats spécialisé dans le Web3 ORWL.
Pour approfondir le sujet, nous allons désormais mettre en lumière les points de vue d’entreprises directement concernées par ce bon réglementaire. Ainsi, nous avons recueilli les propos des personnes suivantes, que nous remercions grandement pour leur temps et leurs réponses de qualité :
- Claire Balva, VP Stratégie chez Deblock ;
- Matthias Vallet, fondateur et président de RUFIJI Capital ;
- Nicolas Louvet, PDG de Coinhouse ;
- Stéphanie Cabossioras, secrétaire générale de Société Générale-FORGE.
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L’agrément PSAN comme accélérateur vers MiCA ?
Parmi les moyens d’accéder au fameux statut de Crypto-asset Service Provider (CASP), l’agrément comme Prestataire de services sur actifs numérique (PSAN) en France peut-être vu comme un tremplin, compte tenu des similitudes entre les exigences réglementaires des 2 statuts.
Néanmoins, Nicolas Louvet rappelle l’importance du saut réglementaire entre l’enregistrement PSAN et son agrément. Nous l’avons effectivement vu avec Faustine Fleuret et William O’Rorke, si l’enregistrement se concentrait principalement sur des questions de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LCB/FT), l’agrément élargit les attentes :
Ce qu’apportent MiCA et l’agrément, ce sont des volets qui sont beaucoup plus larges, qui s’ajoutent à la LCB/FT. Il y a de la protection du consommateur avec tout un pan tourné sur le traitement des réclamations, un volet qui demande de mettre en œuvre une best execution, ou encore autre sur la prévention des conflits d’intérêts et la prévention des problématiques d’influences de marché comme le délit d’initié. C’est très proche de ce que tu retrouves dans la finance de marché.
Bloc Info
La « best execution » mentionnée par notre invité est un concept financier obligeant un exchange à proposer au client le meilleur prix pour un actif donné, prenant également en compte la vitesse des transactions et des frais raisonnables.
Ainsi, les entreprises disposant déjà d’un agrément possèdent un coup d’avance en vue de l’entrée en application du règlement MiCA, ce qui est notamment le cas de SG-FORGE :
L’agrément CASP est intéressant, car il permet de fournir des services sur crypto-actifs dans toute l’Union européenne en étant agréé dans un seul État membre. Il reste à Société Générale-FORGE à convertir cet agrément PSAN en agrément CASP. Deux possibilités sont envisageables : soit bénéficier de la procédure accélérée pour les acteurs déjà enregistrés au niveau national, soit notifier la fourniture additionnelle de services sur crypto-actifs comme cela est possible pour les entreprises d’investissement agréées au titre de la directive MIF, comme l’est Société Générale-FORGE.
Concernant cette procédure accélérée, il s’agit de l’objectif de Deblock, qui projette l’obtention de l’agrément CASP au début de l’année 2025, sous réserve que les échanges avec le régulateur avancent bon train. Pour ce qui est de la rapidité avec laquelle l’entreprise a obtenu son agrément PSAN, Claire Balva explique que l’agrément d’Établissement de Monnaie Électronique (EME) octroyé par la Banque de France l’année dernière a joué un rôle déterminant :
Pour nous, je pense que ce qui a surtout beaucoup aidé, c’est que l’on avait déjà une culture de la compliance, parce que l’on avait un agrément EME à côté. Et donc, l’équipe Deblock ne découvre pas la compliance avec les agréments crypto, ce qui a facilité l’obtention de l’agrément et va nous aider à passer MiCA ensuite.
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Un seul cadre pour des métiers variés ?
Lors de nos échanges avec nos différents invités, nous avons pu constater que la manière dont les exigences des textes de MiCA devront être appliquées n’était pas toujours claire.
Nicolas Louvet l’explique d’ailleurs clairement avec cette nécessité d’interprétation juridique en fonction de l’activité de chacun :
Cela nécessite quand même beaucoup d’interprétation pour tenter de déterminer « qu’est-ce que veut dire ce texte chez moi ? ».
Matthias Vallet partage ce point de vue, en évoquant des recrutements à venir sur l’aspect compliance, afin d’identifier les points obligatoires s’appliquant à RUFIJI Capital, notamment en matière d’accréditations :
Une fois que notre conformité sera renforcée, nous pourrons par exemple faire du rétropédalage sur certains clients pour lesquels la conformité n’est pas assez forte dans le cadre de MiCA. Nous allons recruter des personnes pour la conformité et nous assurer que l’ensemble des partenaires avec qui nous travaillons soient conformes vis-à-vis de MiCA afin de se mettre en règle le plus rapidement possible.
Si Stéphanie Cabossioras se montre optimiste concernant SG-FORGE, elle souligne toutefois un certain défi dans la mise en application des textes :
En obtenant l’agrément PSAN français, SG-FORGE remplit déjà très largement les exigences du règlement MiCA qui est inspiré de la réglementation française. Les principaux défis sont désormais la mise en œuvre des textes d’application de MiCA qui ont été publiés récemment.
Pour donner un cas concret d’interprétation potentiellement problématique, Claire Balva prend en exemple le cas des stablecoins. Ces derniers étant qualifiés de monnaie électronique, il conviendra d’observer de quelle manière ils seront appréhendés concrètement par les régulateurs, sous peine de voir des aberrations réglementaires se produire :
Il y a des articles qui expliquent que les stablecoins sont de la monnaie électronique, ce qui peut avoir des conséquences sur des PSAN qui seraient amenés à devenir EME, simplement parce qu’ils proposent des stablecoins.
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Un règlement trop contraignant pour les startups ?
L’un des points que nous avons particulièrement mis en avant dans notre précédent dossier sur MiCA est l’impact que ce règlement pourrait avoir sur les startups. Cette difficulté est particulièrement mise en avant par Matthias Vallet dans son expérience avec RUFIJI Capital :
Nous avons 2 grands défis dans ce processus. Le premier va être de constituer un maximum de trésorerie possible et de recruter. Il va falloir beaucoup plus de moyens financiers, cela peut passer par une levée de fonds, notamment comme celle que l’on est en train de faire. Cela va nous permettre d’avoir un excédent de trésorerie, qui va nous permettre d’aller de plus en plus dans le détail de MiCA, par exemple, avec des réserves de fonds nécessaires. Le deuxième sera plutôt le recrutement. Il va nous falloir des personnes avec des statuts particuliers et des compétences juridiques particulières. Cela peut être assez compliqué, car tout le monde ne veut pas forcément aller dans la cryptomonnaie ou rejoindre une startup.
Selon notre invité, MiCA n’est pas adapté aux startups, et une certaine personnalisation en fonction de l’envergure de l’entreprise aurait été la bienvenue :
Ce qui serait bien, c’est qu’il y ait un processus sur la mise en conformité des startups, où tu vas dissocier 2 cadres, comme tu dissocierais les TPE des PME des grandes entreprises. L’idée serait un peu la même, avec un cadre allégé pour les entreprises ne dépassant pas un certain chiffre d’affaires et un nombre d’employés. MiCA est beaucoup plus adapté à des institutions bancaires, ce qui veut dire beaucoup moins d’acteurs et potentiellement beaucoup moins de choix pour les investisseurs.
S’il reconnaît la nécessité d’un cadre réglementaire, il déplore toutefois certaines obligations qui peuvent ne pas avoir de sens pour de très petites structures, à l’image du recrutement de directeurs financiers ou de directeurs juridiques. En effet, les frais que cela implique auraient pu être engagés dans de la croissance, par exemple :
C’est de l’argent que l’on aurait pu mettre sur un développement commercial, un développement marketing, ou la création d’analyses pour avoir les meilleurs investissements possibles afin de créer une renommée pour la société.
De son côté, Nicolas Louvet se montre plus nuancé vis-à-vis de l’idée selon laquelle MiCA serait plus simple pour un géant de la finance que pour une startup. Pour lui, cette difficulté réglementaire dépend surtout de la complexité de l’activité d’une entreprise :
Pour avoir un agrément de ce type, il faut réellement disposer de moyens. Mais tu peux être petit. Tu peux être une équipe de 20 à 25 personnes et l’obtenir, la preuve avec Deblock. La question, ce n’est pas la taille de l’entreprise ; le vrai sujet, c’est la diversité et la complexité de ton activité.
Ainsi, le PDG de Coinhouse estime qu’au contraire, certains géants de l’écosystème auront plus de difficultés à être en règle vis-à-vis de MiCA que certaines startups, compte tenu du nombre de volets pour lesquels ils doivent être agréés :
Dans l’échelle de la complexité, des acteurs comme Coinbase ou Binance ont le niveau de complexité le plus élevé qui soit et donc pour eux c’est très difficile. À l’inverse des acteurs qui ont une activité relativement simple comme Stakinsat ou Bitsack, normalement, leur niveau de complexité pour MiCA est relativement accessible.
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Les problématiques engendrées par MiCA
Au fil de nos échanges, nous avons pu identifier plusieurs problématiques engendrées par MiCA, bien que certaines semblent plus préoccupantes que d’autres. Nicolas Louvet rappelle ainsi les difficultés qu’il a pu rencontrer avec les parlementaires européens, lorsque le temps était à l’élaboration des règles qui s’apprêtent à entrer en vigueur :
Tu leur cites 25 points qui sont importants, mais à la fin tu n’arrives pas à négocier tes 25 points, tu n’arrives à en négocier que 8 ou 10. C’est déjà très bien, mais les 15 autres points restants passent et tu arrives à des aberrations. Sur TFR par exemple, j’ai passé un temps phénoménal à essayer d’expliquer que cela ne servait à rien, que c’était dangereux, que c’était une réglementation qui attaquait les libertés individuelles, qui posait des problèmes sur les données et qui servait en plus les puissances étrangères.
Pour sa part, Claire Balva revient sur l’assurance responsabilité civilité professionnelle (RC Pro), pouvant se substituer aux exigences de fonds propres. Nous l’avons cependant vu à plusieurs reprises, cette fameuse RC Pro est pour l’heure difficile, voire impossible, à obtenir. Notre invitée avait d’ailleurs déjà constaté les lacunes des assureurs dans sa précédente expérience professionnelle avec Blockchain Partner :
J’avais beaucoup interagi avec des assureurs et ce que j’ai pu constater, c’est qu’ils sont très peu formés au sujet, et donc, les personnes qui te font souscrire les assurances ne savent pas exactement pourquoi elles le font. Ainsi, c’est vrai que si tu es assureur, tu peux te retrouver avec du personnel ou des courtiers qui vont effectivement assurer des business, mais qui ne vont pas comprendre exactement de quoi il s’agit.
Pour elles, ces lacunes peuvent s’expliquer par certains standards de l’industrie qui seraient encore à définir :
Tu as aussi la question de bonnes pratiques et de standards sur le marché. Aujourd’hui quand tu es assureur et que tu vas assurer une activité lambda, tout le monde est d’accord sur ce qu’est une bonne pratique sur le marché, alors que dans la crypto, c’est beaucoup moins le cas.
À son niveau, Matthias Vallet estime que le poids de ce cadre réglementaire sur les startups pourrait conduire à une réduction de l’offre auprès des consommateurs. Tout du moins, les entreprises ne disposant pas des moyens nécessaires pour se conformer à toutes les exigences devraient alors sous-traiter certains de leurs produits à des acteurs plus gros, limitant également la diversité sur le marché.
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Les points positifs de MiCA
Malgré tout, MiCA apporte aussi quelques points positifs, à commencer par une uniformisation des règles. Claire Balva souligne en effet qu’avant MiCA, un acteur régulé en France qui voulait opérer dans d’autres juridictions européennes « devait demander des licences spécifiques dans ces pays-là ».
C’est d’ailleurs un point de vue que partage Matthias Vallet :
Le changement le plus important, c’est que tu ouvres un marché européen, ce qui est assez intéressant, car tu vas pouvoir capter beaucoup plus de personnes et cela met tout le monde sur un pied d’égalité. Cela va créer un écosystème où il y aura beaucoup plus de mouvements financiers tels que des rachats d’entreprises.
Malgré ses interrogations sur certains aspects du cadre réglementaire, il reconnaît toutefois que cela fera passer son activité au niveau supérieur :
Cela va professionnaliser notre profession. Tu vas pouvoir devenir un vrai fonds d’investissement, un vrai gestionnaire d’actifs, avec un vrai témoignage de confiance par rapport à la réglementation.
Toutefois, des frictions pourront apparaître dans ce processus de mise en conformité de l’écosystème, le temps de régler la machine comme il se doit. Outre l’aspect financier, Claire Balva souligne notamment les compromis à trouver entre le temps long du régulateur et le temps rapide du marché :
Pour moi, le vrai défi va surtout être le temps. Comme tout le monde, nous avons envie d’être très vite sur le marché, mais le régulateur travaille sur le temps long. Le vrai défi va être de trouver le bon compromis entre aller chercher les agréments le plus vite possible, et en même temps, arriver sur le marché tout en étant compliant.
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