Pi Network : cryptomonnaie sérieuse ou mirage ?

Qu’est-ce que Pi Network ?

Pi Network a vu le jour en 2018, mais il aura fallu attendre 2022 pour que le projet explose vraiment en popularité auprès d’une partie de la communauté crypto. À la base, Pi Nerwork repose sur une idée simple : rendre le minage de cryptomonnaie accessible sur mobile, sans coût énergétique important et sans nécessiter de connaissances poussées sur la blockchain.

En plus de cela, sur le site de Pi Network, l’équipe affirme vouloir construire une plateforme de smart contracts, avec une vision : « construire l’écosystème en pair à pair le plus inclusif, alimenté par PI, la cryptomonnaie la plus utilisée au monde ». Une ambition démesurée, que Pi Network est cependant loin d’atteindre à ce stade, comme on va le voir.

Si l’on consulte le site officiel de Pi Network, on est en effet frappé par les informations datées qui y sont proposées. Le site explique par exemple que le Bitcoin (BTC) a actuellement un cours de 3 500 dollars par unité… Soit un prix qu’il a dépassé depuis 2019. Par ailleurs, on y voit aussi une mention d’Ethereum comme une blockchain en Preuve de Travail, alors que ce n’est plus le cas depuis plusieurs années. L’application mobile est également datée, ayant très peu évolué depuis le lancement.

Par ailleurs, depuis 6 années d’existence, Pi Network ne semble pas du tout prête d’atteindre son but de devenir une plateforme pour applications décentralisées. Pi Network n’a en effet toujours pas fini de lancer son mainnet ouvert, ni sa cryptomonnaie. Et si l’arrivée pourrait être imminente, au premier trimestre 2025, il convient d’être prudent, car les deadlines ont été plusieurs fois repoussées.

Nous avons interrogé un anciendes modérateur de Pi Network pour comprendre quelles étaient les raisons de ces délais importants, voici la réponse qui nous a été faite :

À l’origine, il a été annoncé que Pi serait un projet à long terme, dans le but de mettre en place son propre écosystème d’une part et d’autre part ils ont souhaité mettre en place leur propre KYC qui comme chacun sait [implique] un développement compliqué puisqu’il ne faut pas de failles.

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Pi Network dispose d’une documentation qui détaille son fonctionnement. Le projet de cryptomonnaie repose sur un large réseau de participants, c’est même son principe fondateur. Le protocole récompense en effet les utilisateurs en tokens PI lorsqu’ils interagissent régulièrement avec le système. Pour cela, rien de plus simple : il leur suffit de se connecter à l’application, et de cliquer sur le bouton « mine ».

Viennent ensuite les recrutements. Lorsqu’un membre de la communauté Pi Network recrute d’autres personnes, son statut au sein de l’application augmente. Il est alors récompensé avec davantage de tokens PI lorsqu’elle effectue du mining. Le but est de créer des réseaux de personnes de confiance, appelés « cercles de sécurité ». Autre point important : il n’est possible de s’inscrire sur Pi Network que si l’on est invité par un parrain. Cela afin de garantir la confiance dans le réseau, selon la documentation.

En ce qui concerne son architecture, Pi Network utilise le Stellar Consensus Protocol (SCP), même si le protocole n’a pas de relations formelles avec la Stellar Development Foundation. La sécurisation des transactions se fait par l’équivalent de messages : les validateurs atteignent un consensus grâce aux cercles de sécurité. C’est un modèle baptisé de « graphe de confiance ».

Pour fonctionner, le réseau se base sur 4 types de participants :

• les « pionniers », ceux qui se connectent quotidiennement sur l’application pour interagir avec elle
• les « contributeurs », qui établissent que des groupes de pionniers sont dignes de confiance
• les « ambassadeurs », qui recrutent de nouveaux utilisateurs
• les « nodes » : qui gèrent les nœuds du réseau Pi Network

Le réseau Pi Network fonctionne actuellement en mode fermé, mais le passage en Open Network est prévu pour le 20 février. Cela permettra aux utilisateurs ayant terminé leur processus de KYC (Know Your Customer) de migrer leurs tokens PI vers le réseau ouvert et de les échanger librement sur les marchés. Cependant, certains utilisateurs rapportent encore des difficultés techniques dans la migration, notamment dans la validation de leur KYC.

Une crypto PI qui n’est pas encore arrivée sur le marché

À ce stade, la cryptomonnaie PI est toujours enfermée dans un réseau clôturé, mais cela changera bientôt. En effet, Pi Network a confirmé que le passage en Open Network (mainnet ouvert) aura lieu le 20 février.

À partir de cette date, le token PI sera échangeable sur les marchés publics. Plusieurs plateformes d’échange ont déjà annoncé qu’elles listeraient le token PI dès son lancement. Ces plateformes ont également distribué des « IOU » (reconnaissances de dette) pour permettre aux utilisateurs de spéculer sur la valeur future du PI.

Par ailleurs, si le projet affirme qu’il dispose de 60 millions d’utilisateurs, les données dont nous disposons suggèrent que ce chiffre pourrait être exagéré. L’explorateur de réseau Pi Door semble plutôt indiquer 6 millions d’utilisateurs environ sur le mainnet tel qu’il existe actuellement.

Plusieurs rapports d’utilisateurs, notamment sur Reddit, montrent que beaucoup ont des difficultés pour effectuer la migration vers l’Open Network. Certains expliquent avoir été bloqués depuis plusieurs semaines. Par ailleurs, un des explorateurs historiques de Pi Network est hors ligne à l’heure de l’écriture de ces lignes, il est donc difficile d’avoir des données précises.

Un des modérateurs que nous avons interrogé nous a expliqué pourquoi cela prenait selon lui tant de temps :

Le but est d’utiliser Pi sur un écosystème d’applications utilitaires, et ces applications sont créées par des pionniers. Cela ne dépend donc pas uniquement de la Core Team. Pour que ces applications soient validées officiellement, elles doivent être vérifiées et validées par la Core Team en fonction de certaines règles qu’ils ont mises en place. Cela a pris beaucoup de temps.

Les zones d’ombres de Pi Network

En plus des éléments que nous avons mentionnés, nous pouvons aussi mentionner l’aspect spéculatif de la cryptomonnaie PI. Si celle-ci est disponible « gratuitement » (en échange de temps et de données personnelles), la question de sa future valeur est épineuse.

Les promesses de prix semblent en effet très difficiles à tenir. Comme l’explique une excellente analyse du média CCN, l’inflation conséquente du PI (l’approvisionnement a doublé en un an) est préoccupante en soi. Et si le cours du PI a été évalué à plus de 50 dollars par les plateformes qui ont confirmé qu’elles le listeraient, ce seuil semble bien loin de la réalité future.

Pourquoi ? Parce que les IOU des plateformes d’échange ne sont que des promesses, sur lesquelles l’écosystème Pi Network spécule en ce moment. Les utilisateurs se font donc la promesse que tant de PI seront proposés à un prix équivalent à tant de dollars. Mais si l’on multiplie le cours spéculatif actuel par l’approvisionnement, on obtient une capitalisation de… 213 milliards de dollars.

Cela voudrait dire qu’à son lancement, le PI aurait une plus grande capitalisation que Tether (USDT), atteignant la 3e place des plus grandes cryptomonnaies du moment :

Projection de la capitalisation de Pi Network selon la spéculation actuelle

Nul besoin de préciser qu’il semble improbable que Pi Network arrive à une telle capitalisation au lancement de son mainnet le 20 février. D’une part, parce qu’on a vu que son utilité réelle est en question à ce stade. De l’autre parce que les plus grandes cryptomonnaies ont atteint ces paliers grâce à un intérêt considérable de la part d’investisseurs institutionnels, de partenariats, d’intérêt du grand public… Ce qui est loin d’être le cas de Pi Network. Les prix de la crypto PI affichés sur le pré-marché semblent donc relever plus du vœu pieux que de la réalité.

Autre zone d’ombre : le système de recrutement. S’il ne relève pas du marketing multi-niveaux à proprement parler, ce dernier soulève des questions. Si l’on se penche sur la répartition des rôles, seuls les opérateurs de nœuds servent en effet à sécuriser le réseau. Les autres rôles sont destinés à amener des personnes au réseau, en recrutant directement ou en constituant des équipes. Quant aux pionniers, ils servent à se connecter sur l’application pour interagir avec elle… En regardant des publicités au passage.

Les modérateurs de Pi Network se défendent cependant de toute assimilation à un système de Ponzi ou à un MLM :

Pi Network est plutôt à l’inverse d’un MLM. Le système de recrutement des filleuls sur Pi est basé sur le partage, un parrain recrute un filleul, chaque parrain ajoute des filleuls qui viennent grossir le réseau de Pi, les récompenses en PI appartiennent à chaque pionnier et une petite fraction liée au parrainage est donnée. Il n’y a qu’un seul niveau de parrainage alors que dans un MLM c’est multiple.

Cela dit, le modèle économique de Pi Network tel qu’il existe actuellement semble être basé sur la publicité. En effet, lorsqu’on ouvre l’application quotidiennement pour « miner » du PI, on fait face à des annonces. Cela veut dire que chaque personne qui se connecte tous les jours ne le fait pas gratuitement : elle le fait en échange du visionnage de publicités. Vu sous cet angle, Pi Network ressemble plus à un réseau social, qui cherche à multiplier l’interaction et donc le visionnage de publicités, qu’à une blockchain accueillant des applications décentralisées.

À ce sujet, le traitement des données personnelles qui est fait par Pi Network pose aussi question. On l’a vu, le but est de créer des « cercles de sécurité ». Pour cela, les utilisateurs sont invités à fournir des informations personnelles telles que des documents d’identité, des numéros de téléphone ou encore des vidéos de leur visage. Ces informations sont ensuite traitées par des validateurs de manière plus décentralisée. Cela pose question sur l’usage qui peut potentiellement être fait de ces données.

Cela dit, les modérateurs que nous avons interrogés sont formels : Pi Network n’utilise pas les données personnelles des utilisateurs pour s’enrichir :

Ils respectent les données personnelles, ils ont une charte de confidentialité très stricte, ils s’y tiennent et aucune donnée n’est vendue. […] Les données privées sont traitées par un robot, les personnels de Pi n’y ont pas accès et les fichiers sont chiffrés encryptés jusqu’au moment où ils sont supprimés.

Si l’on compare tout ce qu’on vient de voir avec d’autres plateformes de smart contracts (par exemple Ethereum), la différence est particulièrement nette. On peut se demander où sont les premières applications décentralisées qui sont censées créer l’utilité du réseau.

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Qui est derrière Pi Network ?

Pi Network a été créé par des chercheurs de l’université de Stanford – cela reste un des arguments du projet pour justifier de son sérieux. Les têtes pensantes les plus connues de Pi Network incluent notamment le docteur Nicolas Kokkalis, responsable de la technologie blockchain.

Il apparaît souvent aux côtés de la docteure Chengdiao Fan, qui fait également partie du projet, elle aussi issue de Stanford. Elle est cheffe de produit et s’est spécialisée dans l’étude du marketing d’un point de vue social. On peut aussi citer Vincent McPhillip, le responsable de la communauté. Également issu de Stanford, il a toutefois quitté le projet en 2020.

Il faut aussi noter que derrière Pi Network se trouve l’agence de marketing social SocialChain. C’est elle qui oriente notamment les mécanismes de recrutement communautaire. Les communications de Pi Network restent cependant assez sporadiques, si l’on en croit les plaintes régulières de sa communauté.

Les modérateurs que nous avons interrogés nous ont confirmé que la Core Team du projet était composée d’une quarantaine de personnes, qui travaillent à la fois sur Pi Network, Pi Node, le forum Fireside, Pi Browser, le SDK pour les développeurs, ainsi que le site Web et la communication.

Notre avis sur Pi Network

Si Pi Network ne semble pas relever d’une arnaque à proprement parler, il nous semble que ce projet pourrait avoir des difficultés à tenir ses promesses. Au-delà d’un temps de développement très long, avec un mainnet qui n’a de facto pas encore été lancé, l’avenir de la crypto PI semble incertain.

La cryptomonnaie risque en effet d’être surévaluée, et il y a fort à parier qu’une ruée vers la vente ait lieu lorsqu’elle sera enfin disponible sur les exchanges. Par ailleurs, le manque d’utilité concrète de Pi Network, 6 ans après son lancement, n’augure pas de bonnes choses en ce qui concerne son dynamisme.

Interagir avec Pi Network ne coûte pas d’argent, mais il semblerait que le modèle repose sur un visionnage quotidien de publicités, alimenté par une promesse de gains éventuels lorsque le réseau sera enfin opérationnel. Ce modèle économique ne semble pas particulièrement assumé par les équipes de développement. Par ailleurs, le traitement des données sensibles a été pointé du doigt comme insuffisant par les critiques de Pi Network.

En conclusion, nous recommandons d’interagir avec prudence avec le projet Pi Network, et de garder en tête l’utilité réelle qui sous-tend les projets de ce type.

Sources : Pi Door, CCN, CoinGecko

Avertissement

Cet article est une analyse indépendante du projet Pi Network, basée sur les informations disponibles à ce jour auprès de sources publiques et accessibles, y compris des déclarations officielles et des témoignages d’utilisateurs. Il ne constitue en aucun cas une accusation ou une affirmation définitive sur la nature du projet, ni sur son avenir.

Nous rappelons que tout investissement dans les cryptomonnaies comporte des risques et qu’il est essentiel de faire ses propres recherches avant de prendre une décision. De plus, les opinions et interprétations exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement une vérité absolue et peuvent évoluer avec le temps en fonction des développements du projet.

Si certaines informations mentionnées nécessitent une mise à jour ou une clarification, nous sommes ouverts à toute correction documentée et vérifiable.

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Cryptoast est le média francophone de référence sur le Bitcoin, la blockchain, les cryptomonnaies et le Web3. Depuis son lancement en 2017, il attire plus de 10 millions de visites annuelles et compte plus de 500 000 abonnés sur ses réseaux sociaux. Les articles de Cryptoast sont consultables sur Bloomberg et traduits en 9 langues avec le code {NH NS5_CRYPTOAST}. Le média a également publié un livre sur le Bitcoin et les cryptomonnaies aux éditions Larousse, affirmant son expertise et son influence dans le domaine.