Celestia se présente comme le « premier réseau modulaire de blockchains ». Plus qu’une énième blockchain monolithique, Celestia constitue une révolution dans la manière de concevoir les blockchains, de par son architecture modulaire. Entre application du taylorisme aux blockchains et Data Availability Sampling, Celestia arrive avec une pile technologique novatrice, ouvrant la voie à de nouvelles blockchains scalables et sécurisées. Découvrons ensemble le fonctionnement de cette nouvelle blockchain à l’architecture innovante.
Qu’est-ce que Celestia ?
Celestia se définit comme le « premier réseau modulaire de blockchains ». En opposition à l’architecture classique monolithique utilisée par des blockchains comme Bitcoin, Ethereum ou d’autres, Celestia propose un changement de paradigme en allant vers la modularité. Le postulat initial de Celestia est le suivant : séparer sa blockchain en plusieurs couches indépendantes.
Depuis plusieurs années, il n’existe qu’un mot sur les lèvres des équipes développant de nouvelles blockchains : scalabilité. Celestia ne déroge pas à la règle et tente d’y parvenir grâce à une architecture modulaire.
Cette vision s’oppose à l’idée de l’« ordinateur mondial » développé par Ethereum. Ainsi, Celestia sépare la partie consensus et les données de la partie exécution, lesquelles sont rapidement définies ci-dessous :
- La couche de consensus, comme son nom l’indique, est celle où le consensus est réalisé. Lorsqu’un nouveau bloc est créé, les nœuds doivent s’accorder sur la validité de son contenu et du nouvel état de la blockchain. De nombreuses méthodes de consensus existent comme la preuve d’enjeu ou la preuve de travail ;
- La couche d’application ou d’exécution est celle qui interagit avec l’utilisateur. Lorsqu’un smart contract est utilisé (ou une transaction envoyée), l’état de la blockchain est modifié (balances, données, etc.). Pour effectuer ces modifications, des calculs doivent être exécutés, d’où le nom de cette couche.
Par conséquent, Celestia est une blockchain à preuve d’enjeu construite avec le Cosmos SDK, supportant l’« Inter Blockchain Communication » (IBC), dont le but est de stocker les données qui lui sont fournies par les couches d’exécutions. Ainsi, Celestia ne gère pas l’exécution des transactions, mais propose un socle sur lequel peuvent se brancher des couches d’exécutions différentes.
Logo de Celestia, par Cryptoast
L’écosystème de Celestia
Celestia, le taylorisme appliqué aux blockchains
À l’instar de ce que fut le taylorisme pour l’automobile à la fin du 19e siècle, Celestia cherche à révolutionner la façon dont on construit une blockchain. Avant Taylor, chaque voiture était construite par un groupe d’individus unique, qui était présent du début à la fin de la conception. Le taylorisme repose quant à lui entre autres sur la fragmentation des tâches.
Le but étant de spécialiser des petits groupes dont les compétences dans un domaine particulier seraient hors normes. Ainsi, plusieurs groupes spécialisés travaillent sur des aspects différents des voitures, de manière à accélérer le processus. Au-delà de l’ajout évident de performances et d’efficacité, le taylorisme apporte également avec lui des vertus de réutilisation.
L’exemple de Volkswagen est parmi l’un des plus parlants. En effet, les moteurs produits par Volkswagen sont mis à dispositions des autres marques du groupe, qui peuvent les personnaliser et les réutiliser dans leurs voitures. Et pour cause, pourquoi demander à tout le monde de créer son propre moteur si celui-ci peut être réutilisé et modifié à la guise de la marque ?
Celestia, c’est en quelque sorte l’application du taylorisme à la technologie de la blockchain. En outre, Celestia est une blockchain qui ne contient que les couches de consensus et de stockage. Rien ne peut être exécuté sur Celestia. Il n’y aura donc aucune application et aucune utilité pour les personnes lambda.
Figure 1 : L’architecture de Celestia (gauche) et celle d’une blockchain classique (droite)
Ainsi, d’autres projets qui ne sont intéressés que par la partie exécution pourront venir se brancher sur Celestia. De cette manière, la blockchain Celestia servira de socle à toutes ces solutions, qui pourront être développées par des équipes spécialisées et différentes. Cela va aussi dans le sens de Celestia, qui n’a pas à penser à une couche d’exécution.
Les raisons de la modularité
Mais pourquoi vouloir modulariser les blockchains ? Nous avons déjà évoqué la volonté de séparer les tâches afin de permettre à des équipes plus spécialisées de développer chaque couche, mais ça ne s’arrête pas là.
En effet, dans les blockchains monolithiques, chaque bloc, en plus de contenir toutes ses transactions, porte avec lui une « state root ». Cette racine décrit le nouvel état de la blockchain (balances, comptes, smart contract, etc.) après l’exécution des transactions incluses dans ce même bloc.
Dans le cas de Celestia, où les couches d’exécution et de consensus sont séparées, la blockchain est paresseuse, d’où son ancien nom « LazyLedger », et ne fait que très peu de choses. En outre, Celestia sert avant tout de stockage et les données qui y sont stockées n’ont pas pour but d’être vérifiées, ce qui diminue la quantité d’information nécessaire et en améliore l’efficacité.
La contrainte de l’environnement d’exécution fut également un problème lors de ces dernières années. En effet, bien que la machine virtuelle d’Ethereum (EVM) soit devenue leader dans la catégorie, elle n’est pas parfaite, et ce, pour diverses raisons techniques. Malheureusement, il est impossible d’utiliser d’autres environnements d’exécution sur Ethereum, et c’est le cas pour toutes les blockchains monolithiques.
Ainsi, séparer les couches ouvre la voie à l’utilisation de n’importe quel environnement d’exécution (modifié ou non) sur une même blockchain. Cela permet donc aux développeurs de ne pas être bloqués dans un même environnement d’exécution comme l’EVM.
Le problème ne date pas d’aujourd’hui, beaucoup de développeurs ont voulu expérimenter de nouveaux environnements, mais se sont heurtés au coût trop élevé de la création d’une blockchain en partant de zéro. La couche la plus complexe à développer étant celle du consensus, ces expérimentations seront rendues plus simples par l’implémentation de Celestia.
La vérification des transactions
Avant de se plonger dans le gain de scalabilité, une question subsiste quant à l’architecture de Celestia : comment être sûr que les transactions soient valables ? En effet, le modèle de Celestia repose sur le fait qu’une seule et unique couche de consensus et de stockage garantisse la sécurité des couches d’exécutions diamétralement différentes, qu’elle supporte.
Mais comment est-ce possible, étant donné que rien n’est exécuté, et donc validé, sur Celestia ? Comment Celestia peut être certaine que toutes les transactions, qui parlent toutes une langue différente, soient toutes valides ?
La réponse se trouve dans la vision de Celestia. En effet, dans une blockchain monolithique, l’environnement d’exécution joue le rôle de la police. Chaque transaction est exécutée par le mineur/validateur et par tous les nœuds du réseau dans l’environnement d’exécution. Ainsi, tous les acteurs peuvent vérifier que la modification de l’état de la blockchain correspond bien aux transactions. Mais Celestia cherche à fonctionner différemment, avec des rollups.
La validité des transactions se fera comme elle se fait entre les rollups et son layer 1. Que ce soit les preuves de validité avec les « ZK rollups » ou les preuves de fraude avec les « optimisic rollups », ce seront les environnements d’exécution qui valideront les transactions par le biais de rollups. Ainsi, Celestia ne jouera que le rôle d’une base de données accessible et sûre.
Figure 2 : Illustration du contenu des blocs sur Celestia
👉 Pour aller plus loin : les layer 2, des solutions scalables pour les blockchains actuelles
Le concept du « Data Availability Sampling »
Bien plus que la spécialisation des équipes développant les couches, Celestia apporte une solution au problème de la scalabilité des blockchains. Cette dernière s’appelle le « Data Availability Sampling » (DAS) ou échantillonnage de la disponibilité des données en français.
Sur une blockchain monolithique, chaque nœud doit revérifier toutes les transactions du bloc. Ainsi, la blockchain ne peut pas être plus rapide que le nœud le plus lent. En d’autres termes, il faut attendre que ce dernier ait vérifié toutes les transactions avant de continuer, et ce, pour conserver la décentralisation du réseau. De cette manière, on évite le modèle où seuls les nœuds les plus performants, et donc les riches, sont capables d’être impliqués dans la blockchain, comme avec Solana.
Sans exécution, les validateurs de Celestia n’ont qu’à vérifier que les données sont présentées pour valider un bloc, ce qui supprime la contrainte d’exécution, onéreuse en termes de calculs. Comme ce ne sont que des données, chaque nœud est en mesure de ne vérifier la présence que d’une partie du bloc. Ainsi, lorsque l’on regarde l’ensemble des validateurs, toutes les données du bloc auront été vérifiées plusieurs fois, assurant la présence de ces dernières. Ce modèle ressemble à celui du sharding envisagé par Ethereum pour The Surge, sans la modularité de sa couche d’exécution.
En plus de faciliter techniquement l’accès aux validateurs, cela engrange une hausse conséquente de la scalabilité. En effet, à mesure que Celestia sera adoptée, les frais augmenteront.
Cependant, et grâce au DAS, la taille du bloc augmentera en conséquence, implicitement par l’arrivée de nouveaux nœuds (légers et validateurs). Cela n’aura pas d’impact sur la décentralisation et la sécurité de l’ensemble, mais permettra de contrer la hausse des frais engendrée par l’adoption du réseau.
Pour finir, le concept du DAS permettra aux personnes lambdas de faire tourner un nœud et donc de participer au consensus. En effet, vérifier la présence d’une petite quantité de données ne nécessite pas de matériel puissant, ce qui à terme améliorera la décentralisation d’un réseau comme Celestia. Suivant le modèle du DAS, cette décentralisation aura également pour effet d’en améliorer la scalabilité.
👉 Pour aller plus loin : à quoi ressemblera le futur d’Ethereum (ETH) après The Merge ?
Quels sont les rôles du token de Celestia ?
Tout le long de cet article, nous ne faisions que répéter le fait que Celestia n’ait qu’une couche de consensus. C’est en partie faux. En effet, Celestia possède bien une couche d’exécution, mais celle-ci est minimale au possible, ne servant qu’à son token natif.
Bien que très peu d’informations soient à ce jour connues vis-à-vis du token de la blockchain Celestia, Nick White, directeur des opérations chez Celestia Labs, dévoile lors d’un podcast les différentes utilités du token de Celestia :
- Les tokens peuvent être « stakés », ou verrouillés, afin de sécuriser la blockchain. En échange, l’investisseur reçoit des intérêts provenant de l’inflation et des frais générés par le réseau ;
- Ils sont nécessaires pour payer les frais de transactions. À l’instar d’Ethereum, où l’utilisateur doit payer des frais pour inclure sa transaction dans un bloc, le token de Celestia sera utilisé pour payer les frais de stockage et d’accessibilité des données. De cette manière, l’adoption de Celestia et la valeur de son token sont directement liées ;
- Tout comme avec Ethereum ou Polygon, un mécanisme similaire à l’EIP-1559 sera introduit dans Celestia. Ainsi, une partie des frais générés seront brûlés, ce qui rendra le token de Celestia de plus en plus rare au fil du temps.
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Levées de fonds et tokenomics de Celestia
Les levées de fonds de Celestia
Dans un monde dominé par les blockchains soutenues par des fonds de capital risque, Celestia se démarque par un manque de levées de fonds conséquentes.
À l’heure d’écriture de ces lignes, la seule collecte effectuée le fut en mars 2021, alors même que Celestia s’appelait encore LazyLedger. Lors de cette dernière, 1,5 million de dollars sont récoltés auprès d’acteurs importants comme l’Interchain Foundation, KR1 ou encore Binance Labs.
Durant cette levée de fonds, Celestia Labs annonce également l’arrivée de plusieurs conseillers aux noms très familiers. On y retrouve Zaki Manian et Ethan Buchman, deux ingénieurs très influents de l’écosystème Cosmos connus pour la création d’IBC et de Tendermint respectivement. Morgan Beller, co-fondatrice de Diem (ex-Libra), rejoint par ailleurs le conseil d’administration de Celestia Labs lors de cette levée de fonds.
Les tokenomics du token de Celestia
À l’heure d’écriture de ces lignes, les tokenomics du token de la blockchain Celestia n’ont pas encore été dévoilés. Et pour cause, ni le nom, ni la supply, ni la distribution des tokens ne sont connus du grand public.
D’après l’équipe, ces informations devraient être dévoilées à mesure que le lancement de la blockchain approche, entre la fin d’année 2022 et début 2023. Cette partie de l’article sera mise à jour dès que ces informations seront disponibles.
Équipe et partenaires de Celestia
L’équipe de Celestia Labs
Celestia voit formellement le jour en 2019, lorsque son fondateur, Mustafa Al-Bassam, publie le livre blanc de LazyLedger, ancien nom de Celestia. C’est en septembre de la même année que Mustafa, alors en phase de compléter son doctorat sur la scalabilité sécurisée des blockchains de layer 0, co-fonde Celestia Labs, accompagné d’Ismail Khoffi et de John Adler.
Il est très rapidement rejoint par de nombreux informaticiens réputés dans le monde de la blockchain, formant une équipe plus qu’impressionnante. À l’heure d’écriture de ces lignes, le gros de l’équipe est composé des personnes suivantes :
- Mustafa Al-Bassam : PDG de Celestia Labs et doctorant en scalabilité de blockchain, diplômé de la très célèbre UCL. En 2018, il co-fonde Chainspace, une entreprise dont le but était de faciliter la création de smart contracts, plus tard rachetée par Facebook. Al-Bassam est également à l’origine de LulzSpec, un groupe de hackeurs créé (et dissous) en 2011 à l’initiative de piratages touchant des entités comme Sony, Fox, le FBI ou encore la CIA ;
- Ismail Khoffi : co-fondateur et directeur technique de Celestia Labs. Avant ce dernier, Ismail était un ingénieur en informatique senior au sein des équipes de Tendermint et de l’Interchain Foundation. Ces dernières font partie des entités fondatrices de Cosmos et de ses technologies sous-jacentes ;
- John Adler : co-fondateur et directeur de la recherche chez Celestia Labs. C’est un ancien de chez ConsenSys, la plus grande entreprise dédiée au développement d’Ethereum et de son écosystème. John fait aussi partie des créateurs de la technologie des optimistic rollups. En 2020, il co-fonde également Fuel Labs, une technologie permettant de créer des couches d’exécution modulables ;
- Nick White : directeur des opérations chez Celestia Labs depuis 2021. Il est connu pour avoir co-fondé Harmony en 2018, une blockchain à smart contract.
Figure 3 : Équipe principale de Celestia Labs
Vous pouvez retrouver le détail sur l’équipe de Celestia Labs et ses contributeurs sur leur site officiel.
Les partenaires de Celestia
Celestia est une blockchain de consensus et d’accessibilité de données et non à smart contract. Par conséquent, l’écosystème de Celestia, encore très jeune, est composé de nombreuses autres blockchains et technologies d’infrastructure, aux dépens d’applications centralisées ou décentralisées.
En avril 2022, un partenariat avec Polymer Labs est conclu. Cette dernière souhaite développer une infrastructure construite sur l’IBC afin d’en améliorer les fonctionnalités et de réduire la friction à l’adoption.
Une association plus profonde avec Evmos est annoncée en décembre 2021. Cette collaboration permettra la création d’une blockchain de niveau 1 compatible avec l’EVM, utilisant la technologie de Celestia, et notamment sa méthode de consensus Optimint, une version modifiée de Tendermint. Sur cette nouvelle blockchain, l’exécution des transactions sera assurée par des rollups.
Bien qu’aucun partenariat n’ait été officiellement annoncé, Fuel Labs pourrait voir ses liens avec Celestia se resserrer. John Adler, directeur de la recherche chez Celestia, est également le co-fondateur de Fuel Labs. Ce dernier développe une couche d’exécution modulable, qui semble être complémentaire avec la blockchain de consensus et de stockage modulaire développée par Celestia.
Notre avis sur la blockchain Celestia
Celestia, de par son architecture et sa vision, représente un renouveau profond dans le monde de la blockchain. Alors monolithiques, toutes les blockchains devaient se charger de toutes leurs couches, allant du consensus à l’exécution. Cependant, ce modèle comporte beaucoup de problèmes inhérents tels que la scalabilité, la décentralisation ou l’emprisonnement à l’intérieur de technologie prédéfinie.
Avec la première blockchain du genre, Celestia a fait le choix de la modularité. Ainsi, les couches d’exécution, de consensus et de stockage de données seront séparées. Celestia ne développe que les deux dernières et laisse le choix de l’environnement d’exécution aux autres projets.
Cette modularité apporte de nombreux avantages tant sur l’aspect de la décentralisation, mais également sur celui de la scalabilité. Les principaux étant l’arrivée du « Data Availability Sampling » (DAS) et la spécialisation des équipes, une application du taylorisme aux blockchains.
Pour finir, et c’est à souligner, Celestia n’a pas (encore) réalisé de grosses levées de fonds à l’instar des nouvelles blockchains comme Aptos ou Sui. C’est un fait rare qui plaît à la communauté, mais qui pourrait tout de même évoluer à l’approche du lancement de Celestia.
Celestia représente une vision, plus qu’une énième blockchain monolithique. Son architecture novatrice rentre en concurrence directe avec les solutions d’Ethereum (avec le Sharding) ou de Cosmos (avec l’« Interchain Security »). Quelques aspects importants la différencient de ces dernières, notamment par la modularité, les performances et la liberté laissée aux développeurs. Une blockchain à surveiller de très près à l’approche de 2023.
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Sources graphiques : Figure 1 : Celestia ; Figure 2 : Delphi Digital ; Figure 3 : Celestia
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